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Le gourou, du sage indien au despote « pervers et paranoïaque »

Histoire d’une notion. Les gourous sont partout. Ces derniers mois, les cas du naturopathe Eric Gandon, alias le « gourou des cures de jeûne », mis en examen après la mort d’une quadragénaire qui participait à l’un de ses stages ; de Thierry Casasnovas, « gourou du crudivorisme », arrêté après l’ouverture d’une enquête pour exercice illégal de la médecine dans le cadre de vidéos vantant des régimes à base d’aliments crus ; ou encore de Christian Ruhaut, le « gourou de la Vienne », professeur de yoga jugé pour avoir organisé des « ateliers sexe » avec ses élèves, ont défrayé la chronique.
Mais que désigne exactement le terme de « gourou » ? Dans nos sociétés sécularisées, où la pratique spirituelle, surtout si elle est collective, tend à se marginaliser, voire à devenir suspecte, l’usage de ce mot issu de l’hindouisme est presque exclusivement péjoratif, associé à des individus aux pratiques déviantes, voire criminelles, sur fond de manipulation mentale. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi.
Le terme est apparu en Inde vers le milieu du Ier millénaire avant notre ère. Dans plusieurs textes antiques, il désigne à la fois des savants, des philosophes, des conseillers spirituels de princes ou des maîtres aux enseignements plus pratiques, dont certains inspireront plus tard le yoga. « “Gourou” est un mot sanskrit ayant des racines communes avec le mot “grave”, au sens de “lourd”. Le gourou, à l’origine, est celui qui est “lourd” de connaissance. Il est aussi “lourd” dans le sens où il est “enceint” de ses disciples, il les fait “naître” à une vie spirituelle », décrypte l’historienne Ysé Tardan-Masquelier, autrice des Maîtres des Upanishads. La sagesse qui libère (Points, 2014).
L’Inde médiévale voit ensuite se multiplier les récits biographiques de nombreuses figures mi-légendaires mi-historiques, qualifiées de gourous. Un peu à la manière des saints chrétiens, notamment orthodoxes, ces personnages sont dotés de pouvoirs extraordinaires, capables de lire dans les âmes ou de prédire l’avenir. Souvent, le gourou se retire du monde durant sa jeunesse, embrassant une vie de dénuement, jusqu’à devenir suffisamment sage pour accueillir des disciples et fonder une communauté.
Encore aujourd’hui, dans l’hindouisme, le terme désigne toutes sortes de chefs spirituels qui se veulent héritiers de ces traditions. « Mais nous sommes dans un autre contexte, transnational, précise Ysé Tardan-Masquelier. Certains ont de nombreux disciples étrangers, avec des antennes partout dans le monde. Même s’il existe beaucoup de gourous honnêtes, cela multiplie les risques de dérives. Il peut facilement se développer un business crapuleux et un culte de personnalité, avec un gourou distant et idéalisé. »
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